L'idée

par André Dewael

 

Voulant rompre avec le marché fluctuant des coupés sportifs afin de se prémunir de toute mésaventure commerciale, Matra propose, à l'étonnement de tous, un véhicule qui "sort des sentiers battus" au sens propre comme au sens figuré : la Rancho.  La production de la Bagheera restylée se poursuit donc parallèlement à celle de ce modèle bien différent à l'usine de Romorantin.

Présentée en mars 1977 au Salon de Genève, la Rancho est l'aboutissement d'une réflexion sur la manière de vivre et sur les aspirations de bons nombres d'automobilistes désireux de quitter les routes traditionnelles pour emprunter celles plus rustiques, plus "vertes" et bucoliques de la campagne. Cette réflexion s'appuie également sur l'observation de l'engouement pour la moto "verte" et pour l'évasion.  Bref, ce véhicule doit permettre de rouler en "tous chemins" en emportant un maximum d'objets destinés à la famille et aux loisirs.

Pour réaliser la Rancho, Philippe Guédon qui a oeuvré en son temps chez Simca à l'étude de la célèbre 1100, doit "faire simple et peu coûteux", selon le voeu de Jean-Luc Lagardère.  Il va relever le défi car l'étude et la fabrication de la Rancho battra tous les records d'économie.  C'est ce qu'il appellera "la recette du pain perdu appliquée à l'automobile".  Sous le crayon inspiré d’Antoine VOLANIS, naît un hybride traction avant, à la fois berline, break, tous chemins.  Il ne faut pas être grand clerc pour voir dans la Rancho l'ultime variante de la Simca 1100 car elle en reprend toute la base de la version utilitaire VF2.

En effet, les véhicules sortiront de l'usine Simca de Poissy à l'état nu (carrosserie non peinte, avec à l'arrière seulement le plancher et la partie inférieure des flancs, habitacle nu, etc.) et seront achevés chez Matra, avec une calandre, des pare-chocs, des protections latérales et des élargisseurs d'aile en polyester, un bac de toit et une "bulle" arrière vitrée, surélevée également en polyester, sans oublier le garnissage intérieur de l'habitacle.  Si tableau de bord sera hérité de la Simca 1100, le volant sera spécifique et typé Matra.  La plupart des accessoires seront issus de la grande série. 

Originalité, efficacité et plaisir seront le triptyque de sa philosophie qui s’attire la sympathie de la presse.
Si le public visé ne fut pas nécessairement celui auquel on la destinait, son succès commercial fut incontestable. Son look de baroudeur lui octroyait tous les suffrages (particulièrement en ville) et nombre d'automobilistes lui en ont demandé beaucoup, (sinon trop car ce n'était pas un 4x4), dans tous types d'utilisation, profitant de son habitabilité et de son énorme capacité de charge.

Le nom de Rancho n'est sans doute pas étranger au fait que Philippe Guédon était particulièrement admiratif de la Range Rover...   Et ce nom l'a plutôt bien servie !

Après la fin de sa production au volume total inespéré (56.457 exemplaires), il est arrivé qu'on téléphone chez Matra pour demander où et comment acquérir une Rancho !

Pour Matra la réussite de la Rancho lui assura la pérennité et fit naître l'idée géniale du monospace (Renault Espace) avec la révolution qui s'en suivit au sein des gammes des constructeurs.  On peut voir également en elle non seulement l'ancêtre des chics et chers "S.U.V." (Sport Utility Vehicule) "très tendance", mais aussi et surtout des plus abordables et sympathiques "ludospaces", avec pour chefs de file historiques le Berlingo de Citroën et son clone le Partner de Peugeot, suivis peu après par le Kangoo de Renault.  La Rancho est vraiment leur ancêtre.

Belle retraite donc pour la Simca 1100 dont cet ultime dérivé aura été un véhicule-charnière !