Sa genèse

par André Dewael

 

L'idée d'un coupé dérivé de l'Espace n'était pas neuve chez Matra.  Déjà au début des années 1990, Philippe Guédon évoquait ce concept expliquant qu'une partie de la clientèle de l'Espace, habituée par ce type de véhicule (dont le taux de fidélisation était exceptionnellement élevé : de l'ordre de 90 %), verrait un jour l'opportunité de continuer à voyager dans un monospace qui ne soit pas uniquement dévoué aux enfants.

Mais à cette époque Matra avait du mal à suivre la demande de la clientèle de l'Espace dont la production était maximale (jusqu'à 350 véhicules/jour, production de Dieppe comprise) et le projet était postposé. 

Sans doute pour satisfaire sa nostalgie sportive et marquer d'un coup d'éclat les dix ans de réussite de l'Espace, on vit naître l'Espace F1 en collaboration avec Williams et Renault ; puis plus tard le projet décoiffant de Sbarro avec l'Espace spider.

En novembre 1997, un article de "L'Auto-Journal" évoquant largement le prototype Matra P55 (une citadine de 3,20 m, 2+2 places dos à dos) destiné à Renault ravivait l'idée d'un "coupé Espace" 3 portes dans cet encart :

Il faut dire que dès 1996, Matra fut averti par Renault de son désir de reprendre à son compte la production de l'Espace pour en développer les capacités face à la concurrence : la niche créée par Matra était devenue un segment de gamme rentable où les grands constructeurs s'étaient successivement engouffrés.  Renault voulait atteindre une capacité de 500 véhicules par jour et réduire les coûts de production en exploitant la recette classique du "tout acier" mêlée à la flexibilité d'une chaîne mixte.

Si le P55 ni vit jamais le jour, l'idée d'un véhicule dérivé de l'Espace fit son chemin et c'est ainsi qu'en 1998, Philippe Guédon et Louis Schweitzer rendaient public l'accord les liant pour l'étude et la production de ce "coupéspace".  A l'annonce de ses principales caractéristiques, la revue allemande "Auto Motor Sport" s'empressait de croquer l'idée de ce coupé "panoramique" :

La revue française "Auto Plus" consacra quatre pages à ce projet, annonça sa commercialisation en 2001 et proposa son croquis :

L'accord passé inaugura une nouvelle forme de partenariat entre Renault et Matra.  Contrairement à l'Espace de 1984 (P23) où Matra avait fourni tout l'effort financier (récoltant aussi un bénéfice maximal), le nouveau véhicule sera étudié par une équipe commune afin de favoriser une synergie maximale.  Renault et Matra s'engagèrent à financer l'opération à raison de 50 % chacun. La réussite du projet était donc d'égale motivation.

Pour réduire les coûts, il fut décidé de prendre pour base le châssis de l'Espace.  Les principes techniques chers à Matra furent conservés : châssis galvanisé à chaud, carrosserie en composite, avec, en prime, une superstructure en aluminium (brancards supérieurs). 

Le style serait l'affaire de Renault où règnait Patrick Le Quément et pour lequel l'Avantime serait l'exemple même de la signature stylistique innovante, laquelle serait ensuite déclinée à la gamme Renault. Le design de l'Avantime fut confié au jeune Thierry Métroz. Matra contribuait à l'innovation par son étude de portières à double cinématique (étude dérivée de son prototype P41).  Le véhicule se devait d'être lumineux grâce à un immense toit ouvrant en verre et offrir de nouvelles sensations de voyage en toute décontraction.

Au niveau motorisation, le compartiment moteur ne pourrait abriter que les motorisations issues de l'Espace, avec la possibilité de les voir évoluer en puissance.

Le prototypage et la mise au point seraient du ressort de Matra dont les installations du CERAM à Mortefontaine constituaient désormais la meilleure référence en matière de tests routiers.

A l'aube de l'an 2000, chiffre symbolique s'il en est, Renault et Matra nous annonçaient de concert le premier véhicule du troisième millénaire : l'Avantime.

Des études marketing estimaient qu'il existait une clientèle de "bourgeois-bohèmes" (surnommés les "bobos"*), prête à s'offrir un véhicule totalement décalé et futuriste tel que l'Avantime.  Une nouvelle forme de communication allait s'adresser à eux, d'autant que le slogan de Renault était devenu depuis peu "créateur d'automobiles".

Un nouveau défi s'annonçait...

*Chantés quelques années plus tard par Renaud (le chanteur !).